Séminaires

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Le séminaire Environmental Justice/Justice environnementale (EJJE) vise à interroger la portée du cadre d’analyse de l’Environmental Justice, relançant par-là les débats épistémologiques initiés à la fin des années 1970 par Catton, Dunlap et Buttel (1978) sur la place des facteurs biophysiques et sociaux dans l’analyse des problèmes environnementaux. Un débat de fond subsiste depuis lors : Doit-on voir dans l’Environmental Justice/Justice Environnementale un nouveau paradigme pour les sciences sociales de l’environnement ?

Dans le milieu de la recherche, le sens et la portée prêtés à l’Environmental Justice font encore débat. Pour certains, elle constitue un cadre d’action collective dénonçant des situations de surexposition de minorités ethnico-raciales et à bas revenus (Bullard, 1990), à des dangers et nuisances environnementaux, traduites exclusivement en termes d’enjeux de justice distributive (compensation des préjudices sur la santé et sur la qualité de vie). Sa portée reste et doit rester, dans cette interprétation, limitée au contexte socio-racial étatsunien qui l’a vu naître et lui donne sens, ainsi qu’à l’influence déterminante des Civil Rights (Fol et Pflieger, 2000). Pour d’autres au contraire, la diversité des mobilisations qui s’en réclament et des enjeux de justice qu’elles défendent, prouvent que l’Environmental Justice représente un master frame non seulement pour les minorités de couleur (Taylor, 2000), mais aussi plus largement pour les populations pauvres, majoritaires dans les pays du Sud, victimes de graves préjudices environnementaux (surexploitation des ressources, destruction des mangroves, pollution de l’eau…) (Martinez-Alier, 2008). Rejetant une définition restrictive de l’Environmental Justice prévalant dans certaines recherches et agences gouvernementales, quelques auteurs proposent alors une conception intégrative de celle-ci (Holifield, 2001). Elle recouvre dès lors des préoccupations plurielles :

  • de justice sociale, non seulement distributive mais aussi procédurale (participation aux politiques publiques, recours au droit), de capacité (à s’autodéterminer ou encore à bénéficier d’un environnement sain et fructueux…), de reconnaissance (en tant que pair, usagers légitimes…) (Schlosberg, 2007 ; Taylor, 2000) ;
  • de justice écologique, qui reconnait qu’accorder une justice envers la nature est une condition pour assurer une justice entre les hommes (Schlosberg, 2007).

   À ce titre, l’Environmental Justice ne serait pas une résurgence de l’exceptionnalisme humain, mais pourrait constituer un paradigme alternatif au New Ecological Paradigm (Taylor, 2000), permettant de penser divers problèmes environnementaux (perte de biodiversité, pollutions multiples, changement climatique…) au prisme des asymétries sociales entre « races » ou ethnies, classes sociales, genre… Un tel paradigme ne proposerait pas de réduire ces problèmes environnementaux à leurs dimensions sociales, mais, à l’inverse du présupposé selon lequel les enjeux environnementaux de par leur nature et ampleur transcendent les clivages sociaux et inégalités induites (Beck, 2001), il affirmerait qu’on ne peut déconnecter les enjeux environnementaux de la structuration de la société. Il s’agirait dès lors de redéfinir les problèmes environnementaux, dans leur matérialité, à partir de l’expérience des populations ou groupes sociaux les plus vulnérables et en insistant sur leurs causes et conséquences multidimensionnelles. Il s’agirait conjointement de les relire tant dans une perspective de  justice locale que de justice climatique (Schlosberg, 2013), ou encore globale (Walzer, 2011).

   Quelles implications pouvons-nous tirer de ce débat pour les sciences sociales de l’environnement ? Plusieurs axes de questionnement peuvent d’ores et déjà être développés pour initier la réflexion collective :

  • Dans quelle mesure l’Environmental Justice peut-elle représenter ou non un cadre, voire un paradigme pertinent pour comprendre des problèmes d’environnement et les effets de l’action publique environnementale, sur des terrains de recherche diversifiés, y compris lorsque, comme en Europe (Laurent, 2011), peu de mouvements sociaux se revendiquaient jusqu’à récemment de la justice environnementale (hors justice climatique) ?
  • Quel recadrage des problèmes environnementaux (diagnostic incluant l’attribution des responsabilités ; pronostic désignant les solutions envisagées ou la définition et répartition de l’effort nécessaire…), cela sous-tendrait-il ? Comment s’articulent dans ce cadre les échelles pour penser conjointement les enjeux, locaux et globaux, de justice selon les problèmes environnementaux considérés ? Ou encore comment sont associés des enjeux de justice sociale, ou encore sanitaire, alimentaire, et de justice écologique (Schlosberg, 2007), traités le plus souvent de manière séparée (dans des champs distincts), voire très tôt opposés les uns aux autres dans l’histoire des mouvements écologistes ?
  • Enfin quels apports, en termes de posture (et de réflexion notamment sur l’engagement), objets, problématiques, méthodologies, représente l’appropriation d’un tel cadre de pensée dans les recherches actuellement menées dans les pays du Sud et les pays du Nord, tant en milieu urbain que rural ? Et, simultanément, quelles sont les limites observées et quels sont les emprunts théoriques nécessaires pour rendre ce cadre de recherche opérationnel ?
  • D’autres approches ont développé conjointement une analyse critique des rapports asymétriques entre les pays du Nord et les pays du Sud, des formes renouvelées de la domination occidentale et de ses conséquences environnementales (Political Ecology, approches post-colonialiste, décoloniale…), ou encore de la diversité des formes de domination et des relations de pouvoir qui se jouent y compris dans le rapport à l’environnement des individus et groupes sociaux (Écoféminisme, approches intersectionnelles). Les influences communes et la convergence des analyses sont manifestes, sans pour autant que les courants se confondent. Quel apport spécifique peut avoir l’Environmental Justice dans ce paysage scientifique – et souvent militant -, ou encore, comment ces différentes écoles de pensée peuvent mutuellement s’alimenter ou se renforcer ?
  • Enfin, la diffusion depuis quelques années de l’Environmental Justice ou justice environnementale comme cadre d’action collective et publique, en Europe ou encore dans les pays francophones, nous invite à interroger de manière frontale son hybridation avec des courants dominants de l’écologie et des registres associés (développement soutenable, transition, conservation etc.), dont elle se différenciait fortement, voire auxquels elle s’opposait, de par sa genèse, ses acteurs, ses principes. Quelles sont les modalités de cette hybridation et ses conséquences sur la dénonciation originelle et le traitement des inégalités et injustices ?

Les séminaires pourraient répondre à ces questions à partir de cas d’étude concrets, avec le projet de mettre à l’épreuve le cadre de l’Environmental Justice sur une grande diversité de terrains et de problématiques environnementales. Ils devraient ainsi contribuer à développer et mettre en visibilité des recherches et réseaux francophones et européens de la justice environnementale, et à initier des relations de coopération avec des chercheurs étatsuniens intéressés par notre démarche. Un intérêt particulier sera porté à la formation et à l’intégration des doctorants et étudiants de master inscrivant ou souhaitant inscrire leurs travaux dans ce cadre, voire intéressés par sa mise en discussion. Le programme du séminaire se veut évolutif et collaboratif, partant de l’idée que la connaissance se construira dans l’échange. Ses sessions  seront autant que possible organisées en simultané en France hexagonale, à La Réunion, en Suisse et à travers le réseau du CRDT et des Universités du Québec à partir de Rimouski, afin de permettre la participation active des chercheurs et étudiants québécois.

Dans cette rubrique

Le 12 janvier 2023, nous avons eu le plaisir d’écouter Geneviève Brisson (juriste-anthropologue, Département Sociétés, territoires et développement, Université du Québec à Rimouski) pour une communication intitulée « Peut-on être un citoyen dans une ville minière : le cas de Malartic, Abitibi ».

Le 10 novembre 2022, nous avons accueilli Bruno Bouet (sociologue, ETTIS-INRAE et membre du comité d’organisation du réseau EJJE) pour la présentation et discussion de son ouvrage publié à l’Harmattan : « Entre déclinisme et autochtonie. Le Parc national de la Réunion au défi des inégalités environnementales ».

Le 06 octobre 2022, nous avons eu le plaisir d’écouter Laurence Granchamp (sociologue, Université de Strasbourg) et Nathalie Blanc (géographe, CNRS-Université Paris Cité) pour une communication intitulée : « Justice sociale, environnementale, climatique : quelles conceptions de la justice au sein de la Convention citoyenne pour le climat ? ». La discussion a été animée par Renda Belmallen, membre du comité d’organisation du réseau EJJE.

Les 2 et 3 juin 2022 ont eu lieu, en présentiel à Bordeaux, les journées du réseau EJJE sur la capacité transformative de l’action collective en justice environnementale, avec David Schlosberg (University of Sydney), Dimitris Stevis (Colorado State University).

Le 12 mai 2022, nous avons eu le plaisir d’accueillir Lucie Laurian (IOWA – School of Planning and Public Affairs) : Inégalités intersectionnelles d’exposition aux pollutions et lieux de vie (titre provisoire)

Le jeudi 31 mars 2022 nous avons accueilli Floriane Clément (INRAE-Toulouse). Sa présentation intitulée : « Quelle justice dans l’étude des communs ? Revue de la littérature et perspectives » a été discutée par Bruno Bouet.

Le 20 Janvier 2022, nous avons accueilli Pablo Corral-Broto (Université de La Réunion). Sa présentation intitulée : La colonialité environnementale : de la justice environnementale à une histoire environnementale décoloniale. Les conflits environnementaux dans les sociétés autoritaires/post-autoritaires & sociétés coloniales/postcoloniales a été discutée par Marie Thiann Bo Morel (Université de La Réunion).

14 décembre 2021

Virtuel, https://youtu.be/sJJtELqdjB8

Le lien au territoire des Métisses de l’Ouest canadien

En savoir plus

Le 14 décembre 2021, nous avons reçu Mme Nathalie Kermoal, professeure titulaire à la faculté des études autochtones de l’université d’Alberta, pour une présentation intitulée « Le lien au territoire des Métisses de l’Ouest canadien », discutée par par Nathalie Lewis et Bruno Bouet.

Le 23 novembre 2021, nous avons eu le plaisir d’accueillir Jeanne Burgart Goutal, professeures agrégée de philosophie, pour une communication intitulée "Nature is a feminist issue : ce que l’écoféminisme fait à la justice environnementale". Sa présentation était discutée par Caroline Lejeune.

Le 10 juin 2021 : Malcom Ferdinand, Chargé de recherche CNRS (IRISSO-UMR, Université Paris-Dauphine) : « Pour une approche décoloniale de la justice environnementale française » .

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